Haïkus invités – Page 2

Poèmes extraits de « Terre de diamant » de Kenneth White – trad. Marie-Claude White – Grasset (Les Cahiers rouges) – 2003

Rannoch Moor

Dark heather
wisp of wool
buzzing fly.

La lande de Rannoch

Bruyère brune
touffe de laine
mouche qui bourdonne

*

Rue d’Ecosse

There’s nothing much in the Rue d’Ecosse
that dark little cul-de-sac –
just the full moon and a stray cat.

Rue d’Ecosse

Pas grand-chose dans la rue d’Ecosse
cette petite impasse obscure –
la pleine lune, un chat errant

*

My Properties

I’m a landowner myself after all –
I’ve got twelve acres of white silence
up at the back of my mind.

Mes propriétés

Propriétaire je suis moi aussi
j’ai douze arpents de silence blanc
tout au fond du cerveau.

*

November Morning in the Studio

Cold mist
red leaves, yellow leaves
dog barking.

Matin de novembre dans le studio

Brume froide
feuilles rouges, feuilles jaunes
un chien qui aboie.

*

South Road , Summer
1.
Mid-afternoon
blue light flickering
on the silent crags.

2.
Where did the wind go ?
dawn coming quietly
over the hills.

Route du sud, été
1.
Au milieu de l’après-midi
une lumière bleue vacille
sur les crêtes silencieuses.

2.
Où est parti le vent ?
l’aube se lève doucement
sur les collines.

*

The White Mistral

Beyond the turmoil
of living, loving and dying
all at once the sky clears
a white wind blowing.

Le mistral blanc

Par-delà ce tumulte
qu’est vivre, aimer et mourir
le ciel soudain s’éclaircit
balayé par un grand vent blanc.

*

A Snowy Morning in Montreal

Some poems have no title
this title has no poem
it’s all out there.

Matin de neige à Montréal

Certains poèmes n’ont pas de titre
ce titre n’a pas de poème
tout est là dehors.

*
Haïkus extraits de « Au fil de l’eau – Les premiers haïku français »
Editions Mille et Une Nuits – 2003

Le bateau coule,
L’heure fuit
Insensiblement …

*

Ville endormie.
Un gardien de prison passe.
Un volet s’ouvre.

*

Le vieux canal

Sous l’ombre monotone
S’est vert-de-grisé.

*

D’une main elle bat le linge

Et de l’autre rajuste
Ses cheveux sur son front

*
Tercets extraits de « Petites mélancolies de tous les jours qui passent » – Raphaël Millet – éditions joca seria – 2004

Avant le livre

Se faire un thé
Bien se caler dans le fauteuil
Et sous ses doigts sentir le grain du papier

*

Derrière le rideau

Entre le monde et moi
Une vitre perlée de pluie
Comme un chat à la fenêtre

*

Marée basse

Sac de courses et chaussures à la main
Rentrant du marché par la plage
Une robe passe

*

Tôt levé

Seul à la fenêtre
Guetter le point du jour
Dans sa blancheur d’avant soleil

*

Parfum d’été

Lendemain matin
Les tasses ont dormi seules
Et de l’évier remonte l’odeur froide du thé

*

Haïku de foudre

Apparue au printemps au coin de la rue
Depuis, la guetter
En écrivant des poèmes

*

A ma table

Ni ambition ni désir
Si ce n’est d’écrire
Manière d’être seul

*

Jolie rue

Au lieu de suivre le trajet habituel
Soudain tourner un angle de rue
Et s’engouffrer dans un monde inconnu